Patrick Mutombo, le seul Belge assistant coach en NBA : « Je ne fais pas tout ça pour être connu » (1/3)

Patrick Mutombo et sa famille lors du All Star Game en 2024
Champion NBA avec Toronto, assistant ces dernières années à Phoenix et Milwaukee, Patrick Mutombo entamera la nouvelle saison du côté de Memphis. Un parcours incroyable pour ce Belge, mais peu souvent abordé dans les médias. Présent à Bruxelles il y a quelques semaines dans le cadre d’un stage basket, organisé par Forma Sport de son ami et mentor Fred Young, nous l’avons rencontré.
Vous êtes né à Kinshasa, vous avez vécu en Belgique, vous êtes parti en NCAA, vous êtes devenu assistant coach en NBA et avez été champion en 2019 avec Toronto. Vous avez un parcours incroyable et pourtant, on parle très peu de vous en Belgique. Cela vous étonne ?
Je ne sais pas trop comment répondre à cette question (rires). Vous savez, je fais mon travail comme tout le monde. C’est l’appel de ma vie, entraîner les gens, être un mentor, après ce que les gens en font… Je préfère même qu’on n’en parle pas, honnêtement. Je ne le fais pas pour la notoriété, pour être connu, je le fais pour répondre à cet appel, plus qu’autre chose. Le basket est un outil que Dieu a placé dans ma vie pour servir et aider les gens. C’est ça qui m’intéresse plus qu’autre chose. Cela me permet de pouvoir subvenir aux besoins de ma famille, de rencontrer beaucoup de gens et de parler aux gens de l’amour de Dieu. Je suis très croyant, je crois en Dieu, en Jésus-Christ, ma vie n’est que le résultat de sa bienveillance. Je travaille, mais il y a beaucoup de gens qui travaillent autant, voire plus que moi, et qui n’ont pas les opportunités que j’ai eues. Ce n’est pas parce que je suis spécial, c’est simplement parce qu’Il m’a choisi, m’a ouvert des portes, et m’a permis d’être là où je suis en ce moment. Le travail compte pour beaucoup, mais je ne suis ni le premier ni le dernier à travailler dur. D’autres travaillent plus dur que moi. J’ai assez d’humilité pour le reconnaître. Les privilèges, l’expérience dont ma famille et moi bénéficions aujourd’hui, nous nous en rendons très bien compte, je l’inculque à mes enfants, c’est d’abord une faveur imméritée de la part de Dieu. Ma responsabilité, c’est de faire du mieux que je peux, partout où je suis, donner le meilleur de moi-même, par reconnaissance pour l’opportunité que j’ai d’être là où je suis aujourd’hui. Le travail a son importance, mais c’est d’abord une faveur imméritée.
Pourquoi dites-vous « imméritée » ?
Quand vous vous promenez, que vous voyez des travailleurs, qui travaillent pendant que nous on dort, qui font probablement plus d’heures que nous, selon la logique des choses, ils méritent plus que ce que nous on obtient. Moi à la base, je ne voulais pas être coach, j’ai commencé quand je me suis rendu compte que c’était un appel dans ma vie. Et puis ça m’a ouvert des portes et ça m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui. Donc je dis imméritée parce qu’il y a des gens qui travaillent aussi dur, ou plus dur que ce que je fais, et qui n’ont pas le même résultat. Et ce n’est pas de leur faute, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il y a des gens qui voulaient aller aux Etats-Unis, en NCAA, comme moi, qui n’ont pas pu. C’est une faveur que moi j’ai pu avoir.
« Le plus grand conseil que m’a donné George Karl à mes débuts, c’est de ne pas rester enfermé dans un domaine »
Patrick Mutombo, assistant coach en NBA
Vous avez été champion en NCAA II, vous avez eu une carrière de joueur, surtout en Italie. Comment passe-t-on de joueur professionnel en Europe à assistant coach en NBA ?
Lorsque j’ai arrêté de jouer, j’ai appelé certains de mes mentors pour leur dire que je voulais me lancer dans le coaching. Mon épouse et moi avions décidé que c’était le chemin que nous allions poursuivre. L’un d’entre eux, Mike Dunlap, m’a mis en contact avec George Karl, l’entraîneur des Denver Nuggets à cette époque-là. George Karl m’a appelé pour me demander si ça m’intéressait d’avoir une position dans son staff, ça a commencé comme ça. Il a été ma porte d’entrée en NBA.
Être assistant coach en NBA, c’est un autre travail qu’en Europe, mais quel est ce travail exactement ?
Cela dépend des staffs, ça fait un moment que je suis en NBA, j’ai occupé différents rôles. J’ai travaillé sur l’attaque, la défense, les situations spéciales comme les fins de match, j’ai été Head coach en G-League. Donc encore une fois, j’ai eu l’opportunité, le privilège, de toucher à beaucoup de choses pendant ma carrière en NBA. J’ai fait du player developpment, de la préparation de matches, de présentation de scouts, préparé des audios et vidéos à présenter à l’équipe, il y a très peu de choses que je n’ai pas faites.
Et comment ces rôles-là sont-ils définis dans le staff ?
Cela dépend du Head coach, généralement c’est défini en début de saison selon les capacités de chaque assistant. Aux Raptors par exemple où je suis resté six ans, je n’ai pas toujours eu le même rôle. Je suis d’abord venu pour le player developpment, après ça j’ai travaillé avec l’attaque, puis la défense, tout en préparant toujours les matches. Les deux dernières années, j’étais le Head coach de l’équipe de G-League, mon rôle était complètement différent. Donc oui, mon rôle a évolué durant mes années à Toronto. En NBA, le Head coach est un peu comme un chef d’entreprise qui délègue mais qui prend la décision finale.
Vous avez un domaine favori ?
Le plus grand conseil que m’a donné George Karl à mes débuts, c’est de ne pas rester enfermé dans un domaine, parce que le basket est un jeu fluide. Même si aujourd’hui, la plupart des staffs sont divisés entre la défense et l’attaque. Je prends une grande fierté à être bon dans tous les domaines. Cela arrive que certains Head coachs fassent des changements en cours de saison, mais généralement cela se fait plutôt d’une saison sur l’autre.
Après Toronto, avec qui vous avez été champion, vous êtes passé aux Suns puis aux Bucks, qu’est-ce qui a été à l’origine de ce changement ?
Monty Williams a sollicité mes services. En NBA, quand une équipe souhaite vous engager, elle passe par l’organisation dans laquelle vous êtes déjà, demande au General Manager l’autorisation de vous parler. Phoenix a demandé à Toronto l’autorisation de me parler, Toronto a dit oui et c’est comme ça que je me suis retrouvé là-bas. Après Phoenix, Milwaukee a fait pareil. Monty Williams s’était fait virer, et généralement quand un nouveau Head coach arrive, il amène aussi un nouveau staff. Il faut attendre de parler avec lui pour voir s’il veut vous garder dans son staff, dans quel rôle, etc. Et puis Adrian Griffin m’a appelé, c’est quelqu’un avec qui j’ai eu l’occasion de beaucoup discuter, on se disait que si l’un d’entre nous devenait entraineur principal, on aimerait travailler ensemble. Il l’est devenu avant moi et c’est ainsi que je l’ai rejoint.

Et comment se font ces contacts ? Parce que Monty Williams par exemple, vous n’aviez pas encore travaillé avec lui.
La NBA c’est grand et petit à la fois, les coaches se connaissent, s’observent, discutent entre eux, savent qui est bon, qui est sérieux dans le travail. Monty et moi avions déjà une relation, nous nous sommes rencontrés à diverses occasions. C’est un homme de foi également, nous partageons cela. C’est quelqu’un pour qui j’ai tellement de respect, et qui est même devenu un frère pour moi en dehors du basket. Quand l’opportunité s’est présentée, pour moi c’était un no brainer.
Quand Adrian Griffin est viré des Bucks et que Doc Rivers arrive, comment continue la collaboration ?
J’ai continué jusqu’en fin de saison, et une fois celle-ci terminée, une autre opportunité s’est présentée avec Memphis, et c’est comme ça que je me suis retrouvé là-bas.
Quels sont vos attentes du côté de Memphis ?
Gagner j’espère, comme ça on arrête de déménager (rires). Nous avons une équipe très talentueuse, nous aurons notre effectif en bonne santé, et c’est très important. Il y a certaines choses dans l’organisation que nous allons faire différemment, je ne veux pas trop en parler pour le moment. Mais l’objectif est déjà de voir ce que peut faire cet effectif en bonne santé. L’Ouest est tellement compétitif que nous avons un beau défi devant nous, mais nous pouvons remonter avec l’effectif que nous avons. Le Head coach, Taylor Jenkins, est brillant, jeune et intelligent, il a quand même de l’expérience pour son âge. Donc c’est ça d’abord, et pour moi ma philosophie est simple : apporter une valeur positive partout où je vais, utiliser mon expérience pour aider et servir avant tout, et apprendre du mieux que je peux. Servir les joueurs, mon Head coach, et l’organisation, dans cet ordre.
« Mes objectifs à Memphis ? Gagner, comme ça on arrête de déménager »
Patrick Mutombo, qui entamera la prochaine saison comme assistant coach aux Grizzlies
Et les objectifs à court et moyen termes chez les Grizzlies, c’est quoi ?
Toujours gagner (rires). Gagner un titre, l’objectif est très simple pour moi. Nous sommes un business basé sur nos résultats, et lorsqu’on gagne, tout le monde est récompensé. Gagner a un impact réel sur les vies de nos joueurs et des différentes personnes. C’est important pour moi, parce que je suis rentré dans ce business au départ pour aider les joueurs. Je veux que le coach qui m’a amené ici puisse se dire quand j’aurai terminé ma carrière que c’est la meilleure décision qu’il ait prise.
Vous, et les assistants en général, avez l’objectif de devenir Head coach un jour ?
Je ne sais pas si c’est l’objectif de tous les assistants. Ce serait un privilège. Au fur et à mesure que le temps avance, que j’avance en âge, je me rends compte de la grande chance que j’ai, de l’opportunité, de la grâce que j’ai de pouvoir faire ce que je fais, honnêtement. Faire du mieux que je peux, là où je suis, au moment où je suis, ça m’apporte plus de paix, de joie, de satisfaction. Maintenant j’aimerais bien avoir mon propre programme, que je manage. Mais si ça ne se réalise pas, je suis reconnaissant de faire ce que je fais en ce moment.
Vous vous voyez un jour revenir en Europe, par exemple si un grand club européen vous propose un poste de Head coach ?
Pourquoi pas. Comme je vous ai dit je suis un homme de foi, et je pense que partout où je vais, c’est parce que j’ai une mission là-bas. C’est d’abord un objectif qui va au-delà du basket, il y a peut-être quelque chose que j’ai besoin d’apprendre, ou de donner, les deux ne s’excluent pas. L’apprentissage n’a pas de limite, ni de continent. Je peux apprendre et servir aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, donc s’il y a une opportunité ici, que ce soit en équipe nationale, pas forcément qu’en Belgique d’ailleurs, ou en club, je la saisirai.













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